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Dossier Lumen n° 19

Posté le 29 Juin 2020

Confinement et déficience visuelle : un double mur à franchir ?

LA CROIX ROUGE CHEZ VOUS

Tandis que la majorité des Français ont encore la possibilité de faire leurs courses, en magasin ou à distance, les personnes isolées ou avec un handicap ont été particulièrement impactées par les mesures de confinement strictes. La Croix Rouge a rapidement mis sur pied un dispositif exceptionnel de conciergerie solidaire : Croix-Rouge chez vous. « Toute personne confinée en situation d’isolement social peut contacter notre service d’écoute et livraison solidaire 7 j/7, de 8 h à 20 h », précise l’association. Entièrement par téléphone, les paniers alimentaires sont commandés puis livrés au domicile. Une solution très appréciée des personnes qui ne maîtrisent pas les outils informatiques et sont de facto exclues des services de livraison en ligne proposés par les grandes enseignes de la distribution.

Plus d’infos sur le site web de la croix rouge française ici

LES PSYCHOPRATICIENS BÉNÉVOLES VOUS ÉCOUTENT

Les médias en ont beaucoup parlé, le gouvernement a même dû réagir pour les aînés, le confinement a eu un fort impact psychologique. Fort de ce constat, la Fédération Française de Psychothérapie et Psychanalyse a mis en place le service téléphonique Les psychopraticiens bénévoles vous écoutent. Béatrice, psychologue en Auvergne, mais confinée à Paris s’est ainsi portée volontaire. Elle a reçu de nombreux appels de travailleurs sociaux remontant des situations très préoccupantes. « Souvent avec un terrain dépressif, les personnes témoignaient d’une grande anxiété liée à l’isolement, mais aussi accentuée par le discours martial, le décompte journalier des morts et les injonctions à rester chez soi. Quand le mot suicide était mentionné, je rappelais dans la demi-heure. » Oreille attentive, cette professionnelle a apporté son soutien sur plusieurs semaines à des personnes très isolées, des personnes souvent âgées ou avec un handicap, notamment des déficients visuels pour qui le confinement devenait invivable.

Voir le site de la fédération ici

 

Rencontre : Natacha Paris et Denis Ruiz de l’UNADEV

Si le télétravail s’est généralisé en France, il a été primordial pour les associations de rapidement s’adapter si elles voulaient continuer leur mission d’aide humaine directe auprès de leurs bénéficiaires.Comme Natacha et Denis, les professionnels du secteur ont dû revoir leurs modes d’action pour assurer leur mission de proximité a minima voire… à distance.

MAINTENIR LEUR MISSION DE PROXIMITÉ UNE NÉCESSITÉ POUR LES ASSOCIATIONS QUI ACCOMPAGNENT LES DÉFICIENTS VISUELS

mains entrelacées

Natacha, vous êtes responsable du service d’aide à domicile à Bordeaux, comment le service a fait face à l’annonce du confinement ?

Notre service est nécessairement en contact direct avec nos bénéficiaires. Celui-ci, autorisé et financé par des décisions départementales, nous rendait tributaires de leurs décisions pour poursuivre notre activité. Mais au début c’était le grand flou, nous n’avions pas de matériel, pas de directives claires…

Avez-vous continué les visites à domicile ?

Oui, en recentrant notre activité pour garantir la sécurité des bénéficiaires et de l’équipe avant tout. Habituellement, nos auxiliaires de vie s’occupent de plus de 100 bénéficiaires, qu’ils visitent entre 1 à 5 fois par semaine selon leurs besoins. Avec le confinement, une partie de l’équipe était arrêtée pour garde d’enfant. Quant aux autres, pas question de les exposer à un quelconque risque. Alors, en suivant les préconisations, nous nous sommes focalisés sur les besoins primaires : les courses, les rendez-vous médicaux, l’aide à la confection et prise de repas pour les plus dépendants, ainsi que le maintien du lien par téléphone.

Comment assurer les gestes barrières ?

Il a fallu attendre près d’un mois pour avoir des masques cédés par le département, sachant que nous recevons désormais 50 masques par semaine ce qui est loin d’être suffisant. L’État ayant focalisé son attention sur le milieu médical et hospitalier, c’est bien, mais c’est sans compter tous les autres acteurs en contact avec des bénéficiaires. Comment maintenir les un mètre de distance à domicile ? C’est impensable. Le besoin de matériel est absolument nécessaire puisque les gestes barrières ne sont pas possibles. Alors on a fait du système D pour avoir des masques et la solidarité a fonctionné. Nous avons par exemple découvert une excellente couturière parmi nos collègues tandis que d’autres nous ont cédé les masques qu’ils avaient.

Vous vous êtes sentie isolée ?

Les premières semaines ont été rock’n roll entre le télétravail et le quotidien avec toute la famille à la maison. Les consignes arrivaient le week-end, il fallait mettre en place l’organisation pour la semaine et le lundi, de nouvelles directives émergeaient. Heureusement, il y a beaucoup de bonne volonté et notre équipe est soudée, car le secteur du maintien à domicile n’a pas été beaucoup soutenu. Pour l’équipe, j’ai mis en place un accompagnement avec un psychologue afin d’éviter de générer de l’anxiété dans cette période incertaine. En outre, nous nous réunissons par visioconférence et grâce à notre groupe WhatsApp, nous communiquons instantanément lorsque l’on a des questions. Ainsi, personne ne se trouve isolé dans sa mission.

Denis, vous êtes responsable du centre régional de Marseille, comment avez-vous poursuivi vos missions auprès de vos bénéficiaires ?

Comme dans l’ensemble des centres régionaux, notre travail est un travail de terrain. Les bénéficiaires viennent au centre, nous organisons des activités sportives et culturelles, des formations, et les accompagnons dans leurs démarches administratives. Nous avons dû redéfinir notre « cœur de métier » et travailler sur une nouvelle manière de proposer nos activités… à distance. Quelles ont été vos priorités ?Nous voulions surtout ne pas perdre le lien. D’abord, nous avons dû développer des outils de travail collaboratif (calendrier éditorial, journal de bord, liste des personnes les plus isolées à appeler) puis nous avons commencé à investir les réseaux sociaux. Nous informons désormais quotidiennement nos bénéficiaires des actualités les concernant. Notre animatrice socio-culturelle a par exemple découvert le service La Croix Rouge chez vous (cf. encadré) particulièrement apprécié des personnes isolées. Notre éducateur sportif a créé un manuel d’échauffement sportif à la maison et notre conseillère en économie sociale et familiale a également pris l’initiative d’animer des ateliers de cuisine en direct depuis notre groupe Facebook. Nos prestataires se sont mobilisés bénévolement, les cours de yoga se font désormais en ligne. Enfin, nous avons travaillé main dans la main avec les autres centres pour mutualiser nos ressources et toujours proposer davantage aux bénéficiaires… et les retours ont été très positifs.

Que garderez-vous de cette période de confinement ?

Pas que de mauvais souvenirs ! Grâce au digital, nous touchons encore davantage de bénéficiaires, toutes celles et ceux qui habitent la région, mais ne se déplacent pas au centre pour les activités. Cela, je souhaite le garder à la fin du confinement. Avec l’équipe, nous avons dû réinventer notre quotidien. Je tiens d’ailleurs à remercier les membres de l’équipe pour leur implication et capacité d’innovation pendant cette période nouvelle pour nous tous. Nous avons même fait un déjeuner via Skype, comme quoi on peut tout dématérialiser ! La demande de formation à distance auprès de notre formateur en informatique a explosé ! Grâce à cela, bon nombre de nos bénéficiaires se sont familiarisés avec les outils et ont repris contact avec leur famille. C’est positif.Néanmoins, notre métier c’est l’humain, et les rencontres sont primordiales pour les bénéficiaires… comme pour l’équipe, car les discussions orales évitent souvent certains quiproquos de l’écrit !

Retrouvez ici la 1ère partie du dossier “Confinement et déficience visuelle”

Par Sophie Dory-Lautrec