DOSSIER: Le défi de l’autonomie
Une conquête ou un réapprentissage selon l’âge de survenue de la déficience.
Pour une personne en situation de handicap visuel, conquérir le monde environnant est une lutte de chaque instant. Lorsque le handicap visuel est de naissance, c’est un apprentissage qui sera guidé pas à pas par la famille et les professionnels.
Lorsque la baisse de vision est tardive, il s’agit d’une épreuve d’une autre nature puisqu’il faut dans un premier temps accepter l’inéluctable. Puis réapprendre à vivre autrement. Il faut donner un sens à l’environnement physique et humain avec d’autres sens.
Dans les lignes qui suivent, nous vous invitons à partager une réflexion sur les notions de dépendance et d’autonomie.
Les difficultés des personnes déficientes visuelles sont différentes en fonction de l’origine et de la date d’apparition de la malvoyance. Nous verrons quelles adaptations et quels apprentissages sont nécessaires pour faire face aux difficultés rencontrées dans la vie de tous les jours.
Accéder à l’autonomie nécessite des apprentissages multiples, difficiles voire impossibles sans l’aide des professionnels. Ces rééducateurs, trop peu nombreux, apportent aide et soutien aux personnes en situation de handicap visuel mais également à la famille.
De la dépendance à l’autonomie
La dépendance est une situation dans laquelle se trouve une personne qui, en raison de divers déficits ou troubles, est dans l’incapacité de mener une vie quotidienne sans l’intervention de tierces personnes. (Wikipédia)
L’autonomie pour le Larousse « c’est la capacité de quelqu’un à être autonome, à ne pas dépendre d’autrui ». L’autonomie, c’est la capacité à se débrouiller seul dans toutes les circonstances de la vie.
Pour une personne valide, la plupart des actes autonomes vont de soi. Pour la personne en situation de handicap, c’est un apprentissage spécifique, une conquête. Il faut se convaincre d’être en capacité d’effectuer l’action, mais il faut également convaincre les autres, les accompagnants que l’on peut le faire, afin qu’il vous accorde leur confiance.
A quel moment va-t-on autoriser son enfant aveugle à aller chercher le pain à la boulangerie qui se situe à 100 m sur le même trottoir ? Il connait les techniques pour être autonome dans ce déplacement. Il a appris à se déplacer avec sa canne, à marcher sur le trottoir parallèlement au flux de la circulation, qui va décider qu’il est prêt ?
L’autonomie se conquiert, c’est un combat de tous les jours, il faut convaincre que l’on domine les outils et que l’on a la capacité de réaliser le projet.
Prouver à soi-même et à ses proches que l’on dispose des différents outils pour faire les actions en toute sécurité. L’enfant maitrise :
- Ses outils cognitifs. « J’ai une bonne représentation mentale de l’espace pour aller prendre le bus et rejoindre ma destination. »
- Ses outils technologiques. « Je sais utiliser la canne pour sécuriser mon déplacement et avertir les autres usagers de ma cécité »
- Ses outils de sécurité. « J’ai un smartphone avec GPS, je sais m’en servir, je ne devrais pas me perdre. Je peux téléphoner en cas de besoin ».
L’autonomie est une histoire personnelle.
L’absence ou la perte de vision est un drame individuel et familial. La conquête d’autonomie varie en fonction de la personnalité de chacun et des moyens qui sont mis en place pour aider la personne.
Le degré d’autonomie est déterminé par de multiples facteurs qui sont essentiellement personnels.
- Le potentiel visuel, c’est-à-dire la capacité de l’individu à utiliser sa vision, si minime soit-elle. C’est un élément à développer pour augmenter son autonomie. Distinguer l’ombre et la lumière peut aider à s’orienter vers la sortie d’un bâtiment ou à éviter les obstacles.
- La connaissance de son corps, l’équilibre, l’utilisation des autres sens contribuent également à l’autonomisation.
- Les outils technologiques comme la canne, traditionnelle et électronique ou les nouvelles technologies vocalisées comme le GPS, vont rendre des services non négligeables.
Comment évalue-t-on la déficience visuelle ?
La déficience visuelle est une réalité complexe. Cela tient à la complexité de l’organe, aux informations qu’il apporte, à la confiance qu’on lui accorde. (La vision est le sens dominant chez les êtres humains, 80% des informations sont apportées par la vue).
La déficience visuelle est une affaire d’évaluation. En France, on évalue la vision centrale de loin mesurée en dixième. Ainsi, la cécité correspond à une vision inférieure à 1/20ème après correction. La malvoyance correspond à une vision inférieure à 3/10èmeaprès correction. D’autres éléments interviennent dans la détermination du handicap visuel comme la vision de près et le champ visuel.
Nous pouvons établir trois catégories de déficients visuels.
- Les déficients visuels de naissance, dont la survenue du handicap se situe avant la 3ème année.
- Les déficients visuels tardifs, dont l’âge de survenue du handicap se situe de 14 ans à 50 ans. Ce sont les conséquences de pathologies comme le glaucome, rétinite pigmentaire, névrite optique, tumeurs ou les accidents …)
- Les déficients visuels âgés de plus de 50 ans, consécutif aux rétinites, cataracte, DMLA….
Les besoins de ces différents groupes sont fondamentalement différents et les possibilités de compensation également.
Les déficients visuels de naissance.
Les enfants déficients visuels nécessitent une prise en charge adaptée dès la naissance. L’approche éducative est radicalement différente.
Il faut éduquer la famille à accepter ce petit être qui ne correspond en rien à celui qui est attendu. Les relations avec lui sont différentes. Il ne répond pas aux sourires de sa mère. La vision n’est pas le seul sens qui crée de la communication. Ainsi, il est préférable de privilégier le toucher, lui parler afin de développer ses capacités auditives et son sens tactile. Il faut le stimuler et favoriser les déplacements pour lui permettre de découvrir son environnement en favorisant l’exploration des lieux proches, puis de plus en plus lointains.
Il ne faut pas hésiter à lui proposer des outils comme la précanne pour aller encore plus loin sans danger ou se déplacer en tandem pour multiplier les sensations et développer tous ses sens en multipliant les expériences gustatives, auditives, kinesthésiques. La cuisine, la musique, les activités motrices sont les supports incontournables de l’éveil sensoriel.
Très tôt, il est nécessaire de développer la pratique des activités de la vie quotidienne grâce aux conseils et interventions de l’Avéjiste[1]. L’apprentissage par imitation ne fonctionne pas. Il faut inventer des méthodes pour qu’il reconnaisse ses vêtements, (devant derrière), qu’il lace ses chaussures, retrouve son blouson au porte manteau de l’école, se lave les mains.
Il doit pouvoir se servir à boire et manger proprement sans (trop) mettre les doigts dans l’assiette ; grâce à son odorat, deviner le menu de la cantine et reconnaitre les odeurs des fruits, distinguer les oranges des oignons par exemple.
Il apprendra aussi à reconnaitre son livre audio préféré avec l’indication en braille, utiliser le mange disque avec les gros boutons et reconnaitre les personnes par la voix et leur parfum.
Finalement, le jeune déficient visuel est un enfant comme les autres qui va à l’école, à la nuance près qu’une éducation préscolaire adaptée s’impose. Apprendre à lire et à écrire, grâce au braille en utilisant des méthodes adaptées à son jeune âge. Les enseignants parlent alors de pré-braille.
A l’école, l’enfant aveugle devra apprendre les mêmes choses que les autres mais autrement. La lecture se fera avec les doigts ou les oreilles, les mathématiques avec des formes à manipuler, l’utilisation d’un ordinateur avec une synthèse vocale ou des périphériques braille (Clavier braille et barrette de lecture en braille éphémère).
L’intervention d’enseignants spécialisés et de professionnels de la déficience visuelle est indispensable pour lui permettre de découvrir, pratiquer, perfectionner le braille, le braille abrégé, le dessin en relief, l’usage de l’ordinateur en classe.
Mais le rôle de l’enseignant spécialisé est également d’orienter les enseignants ordinaires et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH, anciennement AVS) vers des structures pour adapter des documents pédagogiques consultables avec les outils de compensation.
La locomotion est une composante incontournable de la conquête de l’autonomie. L’instructeur de locomotion[2] va enseigner à l’enfant déficient visuel comment écouter l’environnement, comment reconnaitre avec ses pieds les revêtements de sol qui donnent une indication quant aux lieux parcourus, (moquette, carrelage, macadam, pavés, bande d’alerte). L’enfant apprend à se déplacer en sécurité, avec ou sans canne. Mais il lui faut expérimenter, répéter, pour s’approprier ces nouveaux savoirs. Un encadrement familial ou par des aidants extérieurs (éducateurs spécialisés) est indispensable pour la mise en action des apprentissages.
Les personnes déficientes visuelles tardives.
Maudy Piot[3], psychanalyste malvoyante, parlait de « perdants la vue ». Ce sont des personnes qui vivent dans un entre deux. Ni bien voyant, ni atteint de cécité. Ils sont dans une mouvance vers la perte de vision.
C’est un drame sournois qui advient, que les personnes en soient informées ou pas, la perte de vision est toujours vécue de façon dramatique. John Hull parle de naufrage[4].
Si le drame touche l’adolescent, le monde bascule, l’adolescence étant la période privilégiée de la conquête de l’autonomie. Période merveilleuse où les portes du monde s’ouvrent. A 16-18ans, on voit la fin des études obligatoires, la découverte de l’université, un diplôme professionnel, une recherche d’emploi. Le jeune adulte est souvent accompagné d’un(e) autre avec qui on fait des projets d’avenir. L’apprentissage de la conduite automobile promet des lendemains mobiles autonomes.
La survenue brutale de la cécité à l’adolescence nécessite une prise en charge rapide, souvent orienté vers un Service d’Aide à l’Acquisition de l’Autonomie Scolaire (SAAAS) pour un accueil jusqu’à 20 ans, lorsqu’il en existe un à proximité. On y apprend les outils de la reconstruction de l’autonomie.
Cependant, on peut faire le même constat à tout âge. La cécité brutale ou progressive met fin à tous les rêves, rêves d’études, de perspectives professionnelles, parfois de vie familiale.
La cécité a ceci de particulier qu’elle vous coupe du monde. La personne déficiente visuelle ne reconnait plus son environnement. Son ou sa compagne devient un.e étrang.er.ère. La maison, habituel refuge sécurisant, devient un lieu à haut risque, plein d’obstacles inconnus et agressifs. Les chaises, les tables basses, sont des dangers de chaque instant, les portes ouvertes à demi vous heurtent au visage. Les objets disparaissent. Le monde environnant est un espace à risque. Le déficient visuel ne reconnait pas les amis, les voisins qu’il rencontre quand il sort de chez lui.
« J’ai bousculé quelqu’un, je ne l’avais pas vu. Il est fâché ».
« A qui appartient cette voix qui me salue » ?
Les personnes atteintes de cécité tardive ne peuvent plus exercer le métier qu’elles ont choisi. Le monde s’efface. Le déficient visuel récent devient invisible. « Ce que je ne vois pas n’existe pas ».
Il faut reconstruire, reconquérir une vie cassée, une vie invisible. Trouver de l’aide, rencontrer un psychologue pour surnager, compter sur sa famille.
La société ne fait pas grand-chose. Les médecins diagnostiquent. Les centres de rééducation sont rares, (Paris, Nîmes, Clermont-Ferrand…). Trouver un Service d’Aide à la Vie Sociale (SAVS) relève de la gageure, surtout un SAVS spécialisé pour déficients visuels. Les services sont saturés et ont des listes d’attente pléthorique. Les professionnels compétents sont rares et surchargés de travail.
Pourtant nos malvoyants tardifs jeunes et moins jeunes peuvent se rééduquer et retrouver le plus souvent possible une vie professionnelle et sociale. Simplement ils doivent apprendre, réapprendre le monde avec des outils différents, le braille, l’audio, l’informatique, le smartphone, adapter leur lieu de vie…. Retrouver la capacité à se débrouiller seul pour la plupart des tâches de la vie quotidienne.
Reconquérir l’autonomie perdue
La rééducation passe par le développement de capacités sensorielles méconnues : l’audition, l’odorat pour reconnaitre qui est dans la salle (la voix, l’odeur des parfums), le mouvement pour retrouver l’équilibre et réapprendre à se déplacer avec aisance. Se déplacer, c’est engranger des sensations, reconnaitre des repères connus par le toucher ou le sens podotactile.
La rééducation, c’est le passage incontournable pour :
- Apprendre l’utilisation des outils de compensation,
- La canne,
- Le braille,
- L’informatique,
- L’usage du smartphone,
- Les assistants audios, (dictaphone, machines à lire).
- Apprendre l’attention, la concentration, les techniques de communication avec les collègues de travail en face à face ou lors d’une réunion.
Il faut réapprendre la vie professionnelle, la vie sociale, avec d’autres modalités sensorielles.
La tâche est ardue mais accessible avec du courage et de la ténacité.
Cependant, malgré les lois promouvant l’emploi des personnes handicapées, les déficients visuels ont toutes les peines du monde à démontrer leurs compétences et les commissions médicales ont tendance à les exclure des entreprises, publiques et privées.
Qu’en est-il des personnes âgées ?
Ils sont proches de la retraite ou déjà en retraite. La DMLA, la cataracte, leur fait perdre leur autonomie, et les atteintes de l’âge ne facilitent pas la reconquête. Il faut cibler les centres d’intérêt pour mettre en place des rééducations ou l’usage d’outils.
L’arrêt de la conduite automobile est généralement le moment le plus difficile. Il faut faire admettre à la personne malvoyante que conduire devient dangereux, surtout pour les autres. Et il faut mettre en place des solutions alternatives, pour les courses, pour les loisirs. Là encore il faut faire appel à la famille et aux aidants professionnels.
Réaménager le logement :
C’est repenser les lieux de vie en fonction des possibilités visuelles pour conserver le maximum d’autonomie en toute sécurité :
- Mettre des éclairages additionnels et adaptés dans les espaces privilégiés, sur les conseils d’un opticien basse vision
- Ranger chaque chose à sa place pour retrouver les clés, la télécommande
- Adapter la plaque de cuisson, le four, pour repérer les boutons de commande.
- Utiliser des ustensiles de cuisine colorés pour faire jouer les contrastes.
- Repérer les boites et contenants lorsqu’on a fait les courses, les ranger par catégories et par date de péremption afin d’éviter les risques d’intoxication alimentaire.
Repenser les loisirs, la vie sociale.
Les professionnels de la basse vision étudient avec la personne ses besoins et proposent des interventions de spécialistes pour réaménager ou adapter les différents espaces de vie et les activités pratiquées. (Orthoptiste, opticien, Avéjiste, instructeur de locomotion, ergothérapeute).
La lecture peut être facilitée par l’utilisation de loupes, de vidéo agrandisseur, de machine à lire, simple d’utilisation.
Quant à l’usage de l’informatique adaptée, des solutions ergonomiques sont déjà intégrées dans Windows ou Apple et facilitent grandement l’utilisation des nouvelles technologies. Des solutions de configuration peuvent aider l’accès aux outils en fonction des besoins (prise en main à distance par une tierce personne, réduction du nombre d’icône, adaptation et personnalisation de la taille de celles-ci, applications ciblées et simplifiées, vocalisation des commandes).
La difficulté reste de trouver les personnes compétentes pour assurer la mise en œuvre, l’enseignement et la maintenance des outils adaptés favorisant l’autonomie, mais souvent les associations de personnes déficientes visuelles proposent des cours et des formations adaptées à chacun.
L’autonomie des personnes déficientes visuelles se conquiert jour après jour avec des difficultés majeures dues essentiellement au manque de professionnels pour enseigner et développer les sens compensatoires et les outils de compensation. Notre époque nous offre une richesse foisonnante de technologies, électroniques, informatiques, outils indispensables pour compenser les incapacités des personnes en situation de handicap. Encore faut-il être capable de sélectionner les matériels utiles aux besoins de la personne et lui permettre de s’en approprier le fonctionnement.
C’est le rôle de la société dans son ensemble d’accompagner les personnes en situation de handicap afin de les aider à vivre pleinement au sein du groupe social.
Les associations ont pour rôle de faire connaitre les produits, de les tester, de les présenter à leurs adhérents et d’organiser l’apprentissage des nouveaux outils de communication.
Par ailleurs, les distributeurs de matériels spécifiques proposent des formations. Celles-ci peuvent être financées via la Prestation Compensatrice du Handicap (PCH).
Pour en savoir plus sur les matériels, on peut consulter les sites des distributeurs qui proposent des fiches descriptives, voire un prêt d’essai. Le CERTAM-AVH[5] (Centre d’Évaluation et de Recherche sur les Technologies pour les Aveugles et les Malvoyants) propose des fiches critiques bien utiles pour choisir les outils de compensation adaptés. L’Association des Paralysés de France dispose d’un centre d’étude de matériels et édite des fiches également (Centre Ressource Nouvelles Technologies[6]).
Lectures |
(Pour rencontrer la déficience visuelle tardive par ceux qui la vivent).
Jacques SEMELIN J’arrive où je suis étranger 2007 Le Seuil Paris
Maudy PIOT Mes yeux s’en sont allés 2004 L’Harmattan Paris
John HULL Le chemin vers la nuit 1995 Robert Laffont Paris
John HULL Vers la nuit, Un journal 1990 Le Seuil Paris
Par Jacques Bermont
[1]Instructeur en Autonomie de la Vie Journalièrehttp://avjadv.org/index.php/14-la-profession/16-l-instructeur-en-autonomie-de-la-vie-journaliere
[2]https://www.aildv.fr/la-locomotion/
[3] Cf lectures conseillées en fin d’article
[4] John Hull journal p49 « Nous sommes gorgés d’eau. Je suis entrainé vers quelque chose d’inimaginable d’où l’on ne revient jamais. Un univers va disparaître ».
Aidants familiaux : famille, entourage et intimité
Il est parfois impossible de pouvoir compter sur la famille pour s’occuper de son proche. Les relations humaines ne se tissent pas aisément face au handicap ou à la maladie. Il arrive que l’entourage proche apporte son aide, cependant ce sont pour des choses agréables et non pour ce qui pourrait parfois décharger l’aidant comme les tâches pénibles et fatigantes. Même quand le couple aidant aidé voudrait faire une sortie, il faut trouver un lieu adapté, de plain-pied ou avec un ascenseur. Mais on constate rapidement le manque d’aménagements des trottoirs, des moyens de transport, des boutiques, des restaurants, des cinémas…
Les sorties sont donc limitées, prendre du temps pour se détendre et se distraire s’avère compliqué à mettre en oeuvre. En outre, inviter des amis n’est pas non plus toujours évident. L’attitude de l’entourage peut parfois enfoncer le clou. La maladie ou le handicap engendré peut faire peur et peut même parfois amener jusqu’au rejet. L’amitié se relâche et puis chacun a ses propres problèmes. L’aidant doit donc faire face aussi à l’isolement qui s’installe comme une fatalité, une autre responsabilité à assumer.
Si la vie sociale est bouleversée, il est forcément de même dans la vie intime d’une famille. Lorsqu’un enfant est en situation de handicap, il est difficile pour le ou les parent(s) de passer autant de temps avec ses autres enfants. Il se crée chez ces aidants un sentiment de culpabilité face à un obstacle à leur parentalité.
La vie de couple en pâtit particulièrement lorsque l’aidant est le conjoint. La vie sentimentale disparaît, il est vrai que l’intervention de professionnels à domicile creuse le manque d’intimité. De plus, vient s’immiscer aussi une confusion des rôles chez l’aidant qui materne son conjoint ou le gendarme… Il survient dans certains couples un ras le bol d’être en permanence l’un sur l’autre. La complicité disparaît à force d’agacement, l’autre personne devient un poids.
Lorsque la personne aidée est un enfant, il arrive que le couple se serre les coudes et parvienne à se rapprocher. Dans toutes ces situations, cela reste une épreuve pour le couple. Toutefois, s’il n’est pas aisé de concilier vie personnelle et vie d’aidant, des structures peuvent apporter des solutions pour surmonter ces multiples difficultés.
Retrouvez ci-dessous tous les articles du dossier :
Introduction
Santé et bien-être de l’aidant
Répit et vacances
Concilier son rôle d’aidant avec son travail
Trouver du soutien : services et associations
Témoignage : deux yeux pour un couple
Aidants familiaux : Santé et bien-être de l’aidant
Même si la plupart du temps les aidants voient leur aide comme naturelle et légitime, il faut éviter d’arriver à un stade où on met sa propre santé en danger. Les psychologues répètent que penser à soi ne se fait pas au détriment de l’autre.
Au contraire, pour continuer son rôle d’aidant dans les meilleures conditions, il faut se maintenir en bonne santé. Les problèmes de santé que l’on peut recueillir chez les aidants familiaux lors de témoignages sont l’épuisement, la fatigue, la nervosité, le stress mais également des douleurs musculaires dans le dos.
L’épuisement n’est pas seulement physique, il touche aussi le moral et affecte la santé psychique. En effet, il faut faire face, au quotidien, à la perte d’autonomie de son conjoint ou de son enfant et aux nombreuses frustrations qui découlent de cette situation. Le rythme est dur pour les aidants, il faut être endurant.
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Introduction
Famille, entourage et intimité
Répit et vacances
Concilier son rôle d’aidant avec son travail
Trouver du soutien : services et associations
Témoignage : deux yeux pour un couple
Aidants familiaux : concilier son rôle d’aidant avec son travail
Maintenir son emploi est souvent vital pour l’aidant, d’une part sur un plan financier mais aussi sur un plan social. Le travail permet de changer de décor, de côtoyer des collègues et de se consacrer à d’autres objectifs. Une phrase qui peut revenir souvent dans les groupes de paroles : “J’ai besoin de faire autre chose que de m’occuper de lui”. Toutefois, il est nécessaire pour l’aidant de remédier à des aménagements notamment d’horaires quand c’est possible. Les aidants peuvent être obligés de passer de 35 h à un mitemps voire même de trouver un travail de nuit pour répondre présent auprès de son proche. Mais il reste cependant difficile d’associer le temps de travail et de s’occuper de la personne aidée en rentrant. Il faut beaucoup d’énergie. Des aidants confient qu’après leur cessation d’activité, ils se sont sentis mieux.
Il ne faut pas oublier les plus jeunes aidants, les adolescents par exemple qui doivent s’occuper d’un parent voire de deux, mais malheureusement certains se mettent en échec scolaire. Certains adolescents sont obligés effectivement de redoubler car ils ne peuvent pas assurer partout, d’autres ont dû faire des choix comme de changer de lycée pour passer moins de temps dans les transports et être plus longtemps auprès de leur parent. Comme pour beaucoup de monde, la perte d’un emploi n’est pas envisageable donc ils optent en effet pour une réduction du temps de travail. Dans cette situation, la proposition de promotion est rarement offerte de même qu’une mutation plus favorable au poste actuel.
En tant que salarié, vous pouvez disposer de congés spécifiques en fonction de votre situation soit :
- D’un congé de présence parentale : un salarié peut de cette manière s’occuper d’un enfant gravement malade, en situation de handicap ou accidenté. Il donne droit à un maximum de 310 jours ouvrés sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans. Une allocation de présence journalière peut également être demandée si l’aidant bénéficie de ce congé.
- D’un congé de soutien familial : l’aidant, pour s’occuper de son proche, peut bénéficier d’un congé allant jusqu’à 1 an. Cependant ce congé est non rémunéré, par contre il garantit de retrouver au retour un poste équivalent dans l’entreprise.
- D’un congé de solidarité familiale : ce congé permet aux salariés d’accompagner un proche en fin de vie. Il est d’une durée de 3 mois renouvelable une fois. Il n’est pas rémunéré mais on peut faire une demande pour bénéficier de l’allocation d’accompagnement d’un proche en fin de vie.
Néanmoins dans certaines situations, le maintien dans la vie professionnelle n’est pas compatible avec la vie d’aidant. L’aspect financier reste problématique, c’est une inquiétude récurrente chez les aidants familiaux qui souhaiteraient obtenir du soutien sur ce point. En effet, en tant que membre de la famille, l’aidant ne peut être salarié de son proche handicapé. Il peut être toutefois dédommagé si la personne aidée bénéficie de la prestation de compensation, mais les sommes perçues ne permettent pas de subvenir au besoin d’une famille. Le dédommagement est au maximum de 85 % du SMIC horaire sur la base de 35 h.
Il est vrai qu’on peut souligner de nombreux grincements dans le rouage de la vie des aidants au niveau des aides financières, des prestations de services ou encore des délais de traitement de dossier. Toutefois des structures et associations s’organisent pour pallier ces lacunes, apporter à leur échelle des solutions créatives au plus proche des attentes et permettre au statut de l’aidant d’évoluer pour acquérir au fil du temps plus de reconnaissance.
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Introduction
Santé et bien-être de l’aidant
Famille, entourage et intimité
Répit et vacances
Trouver du soutien : services et associations
Témoignage : deux yeux pour un couple
Aidants familiaux : trouver du soutien, services et associations
Les aidants familiaux peuvent trouver de plus en plus de soutien pour échanger et rencontrer d’autres aidants confrontés à des situations similaires et désireux d’en apprendre plus pour avoir des réponses.
Les principaux besoins des aidants sont souvent d’arriver à obtenir des informations, de reconnaître leur statut, d’avoir du temps pour eux-mêmes, d’être accompagnés notamment pour une aide psychologique et de pouvoir trouver un soutien financier et des aides concrètes.
Tout d’abord, l’aidant peut se tourner vers des aides professionnelles en fonction de la maladie ou du handicap de la personne. Il existe des services auxquels il peut faire appel comme par exemple les Services de Soins et d’Aide à Domicile (SSAD) ou bien les Services de Soins Infirmiers Á Domicile (SSIAD).
Pour répondre à différentes questions, les aidants pourront être guidés par des structures telles que les :
– MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées)
– CCAS (Centres Communaux d’Action Sociale)
– CLIC (Centres locaux d’Information et de Coordination gérontologique)
– Actions sociales des Caisses de retraite complémentaire
– Associations spécialisées dans la pathologie concernée comme la Fédération des Aveugles et Handicapés visuels de France (FAF) ou l’Association Valentin Haüy pour le domaine de la déficience visuelle.
Sur le web, on peut trouver beaucoup de ressources sans avoir à se déplacer.
Par exemple, la Maison des aidants a mis en place un site internet riche en informations (www.lamaisondesaidants.fr). Pascal Jannot, Président fondateur de cette structure, explique qu’ils ont développé aussi une plateforme téléphonique “Allo-Aidants” qui apporte soutien et accompagnement. La démarche se trouve dans la guidance sur moyen et long terme à un niveau psycho-social. Un questionnaire est proposé en ligne avant de commencer afin de cerner la situation et de voir si ce service peut convenir. Par la suite, des rendez-vous téléphoniques réguliers sont mis en place avec un psychologue, des cadres médico-sociaux ou une infirmière en fonction des attentes et des besoins. Après la première prise de contact, les horaires des rendez-vous téléphoniques s’adaptent à l’emploi du temps de l’aidant.
Voici d’autres sites internet qui peuvent apporter des éléments de réponse :
- www.unaf.fr (Union Nationale des Associations Familiales)
- www.entreaidant.fr
- www.vivreenaidant.fr
D’autres initiatives ont vu le jour pour permettre aux aidants familiaux de se retrouver et de parler de leur quotidien, de leur problématique, échanger de conseils et trouver des solutions. Il s’agit du Café des aidants nourri par le concept des Cafés philo. Ce label mis en place par l’Association française des aidants (www.aidants.fr), fournit à ses adhérents les éléments de communication nécessaires pour les organiser. Les adhérents doivent respecter un cahier des charges qui veille au bon fonctionnement de ces groupes de paroles. Ainsi, que l’on soit à Thionville ou à Mérignac une base est commune.
Ces cafés sont encadrés par un psychologue et un travailleur social, le rendez-vous est mensuel, gratuit, sans obligation d’assiduité, dure au moins 1 h 30, ils ont une première partie conférence et une deuxième partie autour d’un débat et des échanges. Certaines structures prennent en charge l’accueil de la personne aidée afin que son aidant puisse être disponible pour y assister. Les sujets abordés sont variés et concrets, voici quelques exemples :
– Qui m’a désigné aidant et qui s’occupe de moi ?
– On ne s’y retrouve plus dans les démarches administratives, quelles aides sont possibles ?
– Le droit à l’erreur : l’aidant n’est pas un super héros
– Aider, il y a aussi du positif !
– Partir en vacances, est-ce possible ?
L’Association française des aidants va plus loin dans le soutien apporté aux aidants familiaux. Elle organise aussi des formations. Il y 6 modules pour les aidants, 2 sont obligatoires car ils interpellent sur le rôle fondamental de l’aidant. Les autres sont optionnels afin que l’aidant assiste aux modules les plus proches de sa situation.
Voici les thématiques abordées dans les modules :
1. Quand la maladie, le handicap ou la dépendance s’immisce dans la relation au proche
2. Être aidant : une posture, des besoins, des attentes et des limites
3. La relation au quotidien avec son proche
4. Trouver sa place avec les professionnels
5. Comment s’y prendre avec son proche pour les gestes de la vie quotidienne ?
6. Comment concilier sa vie d’aidant avec sa vie personnelle et sociale ?
Pour suivre une formation, il faut contacter l’association, ils pourront fournir des renseignements sur les ressources près de chez vous. (01 45 48 00 28 / aide@aidants.fr)
Il y a également comme ressource importante la Maison des aidants et leur site consacré à la formation : www.cif-aidants.com.
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Introduction
Santé et bien-être de l’aidant
Famille, entourage et intimité
Répit et vacances
Concilier son rôle d’aidant avec son travail
Témoignage : deux yeux pour un couple
Aidants familiaux : répit et vacances
Parfois c’est la personne aidée qui fait prendre conscience à son proche aidant qu’il aurait besoin d’une pause. Au lieu d’enrayer toute idée de répit, voici des pistes à envisager pour voir comment il est possible de se faire suppléer.
Il y a plusieurs formules possibles :
– Accueil de jour ou de nuit en établissement spécialisé
– Hébergement temporaire (plusieurs jours ou semaines)
– Garde à domicile
– Garde itinérante de nuit
– Garde par une famille d’accueil temporaire
– Baluchonnage (concept de garde à domicile importé du Québec)
Pour se renseigner, on peut consulter sur internet le portail www.accueil-temporaire.com ou encore le site de l’association des accueillants familiaux www.famidac.fr.
En ce qui concerne un projet de vacances, les aidants et les personnes qu’ils accompagnent peuvent partir ensemble ou indépendamment grâce à des dispositifs adaptés. Notre numéro de juin (Lumen n° 3) peut être consulté pour avoir des informations sur les vacances adaptées, on peut obtenir également des renseignements auprès de ces structures en fonction de la situation :
– UFCV (Union Française des Centres de Vacances et de loisirs),
– Vacances répit familles,
– Réseau Passerelles, spécialisé pour les séjours en famille avec un enfant en situation de handicap.
– Des associations comme Vacances ouvertes, Int-Act…
Toutefois, l’aidant n’a pas uniquement à organiser et réorganiser sa vie personnelle, il en va de même pour la vie professionnelle quand celui-ci a pu conserver son emploi.
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Introduction
Santé et bien-être de l’aidant
Famille, entourage et intimité
Concilier son rôle d’aidant avec son travail
Trouver du soutien : services et associations
Témoignage : deux yeux pour un couple