Citoyennes avant tout !
Nous avons appris avec tristesse le décès de Maudy Piot, psychanalyste malvoyante, en ce 25 décembre 2017. Il y a déjà plus de 2 ans, nous vous informions de l’existence du 1er numéro d’écoute dédié aux femmes handicapées violentées, grâce à l’Association “Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir” créée par cette militante de la cause des femmes handicapées. En mai dernier, elle témoignait dans l’émission mensuelle “A vous de Voir” de France 5, intitulée Seules dans la nuit, soulignant que les femmes aveugles sont celles qui subissent le plus de violence…
Maudy Piot avait écrit une touchante tribune dans notre LUMEN Magazine n°5, que nous avons souhaité partager avec vous à nouveau ici, en hommage à cette femme d’exception.
Citoyennes avant tout !
De ma fenêtre, j’observe la diversité de la vie. J’aperçois une foule bigarrée où des grands et des petits, des femmes et des hommes, avancent vers une destination inconnue de moi. Je suis fascinée par cette multitude de formes, de couleurs, de cris, de langues… Un désir m’habite : rencontrer, approcher, connaitre ces multiples facettes de la vie. Une curiosité teintée de solidarité me pousse vers ces inconnus aux visages riches, impensables, parfois inquiétants. Je veux sortir des sentiers battus, je veux m’éloigner des stéréotypes, des jugements à l’emporte pièce.
Je veux vivre ma singularité dans leur diversité. J’ai connu l’injure de la différence ; j’ai été confrontée aux qualificatifs sans appel d’handicapée, de tarée, de porteuse du mauvais œil. J’ai décidé de m’éloigner de ces maltraitances en me lançant sur une autre route. Je suis atteinte d’une maladie génétique, la rétinite pigmentaire. Lentement mais sûrement, je me suis acheminée vers un horizon de perdant la vue. Aujourd’hui je suis aveugle, j’ai une vie pleine et riche.
Au début, je ne pouvais envisager que je deviendrais aveugle, j’ai vécu dans le déni, dans l’impensable de cet aboutissement. Après avoir fui le monde des aveugles, j’ai décidé d’aller à leur 42 rencontre. J’ai fréquenté les grandes associations de personnes aveugles. Je n’y ai pas trouvé mon compte. Choquée par la mainmise masculine, par le peu de cas fait aux femmes aveugles, par la surdité à leurs paroles. J’ai donc décidé d’organiser des rencontres entre nous, femmes handicapées de la vue. J’ai organisé des colloques sur des thèmes variés tels que : “Handicap et travail”, “Cécité et maternité”, “Sport au féminin”… Ces rencontres étaient très suivies car je cherchais ce qu’il y avait de mieux comme intervenantes ou intervenants. Je me suis aperçue cependant qu’il manquait une dimension essentielle : celle de la diversité ; que le monde des aveugles pouvait ressembler à un ghetto.
En 2003, qui était l’année européenne des personnes handicapées, j’ai eu envie de créer une association qui rassemblerait des personnes handicapées quelle que soit leur symptomatologie. Ensemble nous pourrions changer le regard sur nos différences.
Pour cela, avec l’aide de mon mari, d’Anne Hidalgo première adjointe au maire de Paris et un groupe de copains et copines, nous avons décidé d’organiser un grand forum : “Femmes Handicapées Citoyennes”. Quelle révolution ! Je voulais que les trois tables rondes de la journée ne soient composées que de femmes, de femmes handicapées, avec des handicaps différents. Lucie Aubrac en était la marraine. Elle a dit haut et fort : “Vous, femmes handicapées, vous êtes des 43 Citoyennes à part entière” ! C’était la première fois que notre Citoyenneté était nommée, proclamée. Oui nous femmes handicapées nous sommes des citoyennes à part entière avant d’être handicapées, le handicap n’est pas notre identité. C’est ce 25 novembre 2003 que le mot citoyenneté a été prononcé dans le milieu du handicap.
Aujourd’hui on retrouve ce mot un peu partout. Mon idée en créant FDFA était de ne plus faire de clivages par symptomatologie mais que nous puissions travailler ensemble, échanger, grandir, quelle que soit notre singularité.
Plus de 1000 personnes étaient là ce 25 novembre 2003. A la fin de la journée 250 personnes handicapées ou valides, femmes ou hommes, sont devenues adhérentes. Notre association était née. Pour moi c’est extrêmement important la diversité. Nos différences sont des exigences formidables qui obligent de vivre, de regarder autrement l’Autre, de faire avec lui, d’avoir une attention bienveillante et solidaire. Depuis la création de FDFA, je me sens riche de la diversité de chacune et de chacun. Nous accueillons des femmes handicapées motrices, sensorielles, de petite taille, des personnes handicapées psychiques, mentales, des personnes porteuses de maladies invisibles, auto immunes, rares. Nous organisons des colloques, des forums sur des thèmes variés comme “Les aventurières de la Vie”, “Violences de genre, Violences du handicap”, “Handicap, regard de soi, regard des autres” etc. Depuis un an et demi, nous 44 avons lancé un numéro d’appel national : “Ecoute Violences Femmes Handicapées”, le 01 40 47 06 06. Savez-vous que 4 femmes handicapées sur 5 subissent des violences ? Nous ne pouvons plus nous taire, les violences sont interdites !
On constate que ce sont les femmes aveugles et les femmes handicapées psychiques qui subissent le plus de violences. Pour les accompagner, nous leur proposons des permanences juridique, psychologique, sociale… . J’ai créé l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir pour lutter contre toutes les formes de discriminations et plus particulièrement contre la double discrimination celle d’être femme et celle d’être handicapée. Certaines des adhérentes sont également membres d’associations représentant leur symptomatologie, ce qui est une grande richesse. Pour conclure, je dirais que nos différences, toutes nos différences, sont des sources de richesses pour la société, pour nous. Ce n’est qu’ensemble que nous changerons le regard sur nos différences.
Informations sur l’association FDFA :
Site : www.fdfa.fr
Tél. : 01 45 66 63 97
Courriel : contact@fdfa.fr
Une loi pour l’égalité des droits et des chances
La loi du 11 février 2005 vient renforcer la loi d’orientation de 1975 sur l’obligation d’éducation, la solidarité nationale et la nécessité de maintenir enfants et adultes en situation de handicap, chaque fois que c’est possible, dans un milieu de vie ordinaire. Cette loi apporte des évolutions importantes pour répondre aux besoins des personnes handicapées dans notre société: « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Votre enfant a donc des droits : ils concernent les soins, la prise en charge rééducative qui, selon la prescription du médecin, peut se faire sur le lieu de vie ou dans un service d’éducation spécialisée et de soins à domicile dédié aux enfants déficients visuels, ainsi que les aides qui permettent d’améliorer son quotidien (appareillage, loupes, livres en braille, audio…).
Des aides financières permettent de faire face aux dépenses qu’entraînent ces besoins. Cette loi donne également un nouvel élan à la prise en charge des enfants en situation de handicap en posant comme principe l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées: « Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé doit être inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. » Décret n°2005-1752 de 30 décembre 2005.
Une des évolutions de cette loi est le droit d’inscrire à l’école tout enfant qui présente un handicap. Cette avancée implique pour l’Éducation nationale d’avoir un rôle prépondérant et d’assumer des responsabilités face aux élèves handicapés.
Retrouvez l’article “Les possibilités de scolarisation pour mon enfant déficient visuel” en cliquant ici !
Retrouvez l’article “L’exemple du Centre de Soins et d’Éducation Spécialisée (CSES) Alfred Peyrelongue” en cliquant ici !
Retrouvez l’article” Du côté de l’Éducation nationale : L’enseignant référent et l’équipe de suivi de la scolarisation “ en cliquant ici !
Retrouvez l’article “Asso en France et sigles” en cliquant ici !
Dossier : L’enfant déficient visuel : Comment envisager sa scolarisation et quels sont ses droits ?
Une fois dissipée l’émotion déclenchée par l’annonce d’un handicap visuel chez leur enfant, se pose alors pour les parents la question de sa scolarité et de la prise en charge de ses besoins. En effet, en fonction de la situation, ils peuvent bénéficier d’aides médico-sociales, humaines, technique et de prestations financières pour faire face aux dépenses.
Une loi pour l’égalité des droits et des chances
Les possibilités de scolarisation pour mon enfant déficient visuel
L’exemple du Centre de Soins et d’Éducation Spécialisée (CSES) Alfred Peyrelongue
Du côté de l’Éducation nationale : L’enseignant référent et l’équipe de suivi de la scolarisation
Asso en France et sigles
Accessibilité numérique, où en est-on ?
Selon l’association BrailleNet.org, sur 600 sites administratifs testés, seuls 4% sont déclarés conformes aux critères d’accessibilité. Les résultats mettent en évidence la difficulté à laquelle restent confrontées les personnes en situation de handicap visuel, lorsqu’elles souhaitent accéder à un service en ligne.
Le projet de loi pour une République Numérique présenté par Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique, prévoyait une plus grande accessibilité pour Internet et l’obligation pour les sites administratifs d’indiquer leur niveau d’accessibilité, sous peine de sanctions financières. Ce projet de loi a été adopté par les députés le 26 janvier 2016.
“Le volet accessibilité du projet de loi numérique a été consolidé par les députés”. Quant aux sites et aux applications publics, ils devront désormais être accessibles à toutes les personnes en situation de handicap (article 44). Les administrations devront élaborer en ce sens un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs sites, dont le suivi sera assuré par une commission à l’échelle nationale. Ces sites devront par ailleurs afficher leur niveau de conformité aux règles d’accessibilité sous peine de sanction pécuniaire.”
Pour plus d’informations sur l’association BrailleNet, cliquez ici !
Pour plus d’informations sur le projet de loi pour une République Numérique, cliquez ici!
Nouvelle signalétique pour les chiens guides !
La FFAC (Fédération Française des Associations de Chiens guides), l’ANMCGA (Association Nationale des Maitres de Chiens Guides d’Aveugles) et leurs partenaires lancent une signalétique spécifique pour l’accès des chiens guides dans les établissements recevant du public (ERP).
Pour plus d’informations, cliquez ici!
Interview : Apprendre à vivre avec le HANDICAP VISUEL
La psychologue Anna Rita Galiano est Maître de Conférences en psychologie du handicap à l’Université Lumière Lyon 2 et intervient également au sein de l’organisme de formation IFMK DV à Lyon. Pour ce dossier spécial, elle nous éclaire sur le rôle du psychologue dans le parcours de la personne après la survenance d’un handicap visuel.
LUMEN : Dans quelle mesure l’apparition d’une déficience visuelle modifie-t-elle le quotidien de la personne?
Anna R. Galiano : La présence ou l’aggravation d’une déficience visuelle au sein d’une famille demande un remaniement à tous les niveaux. On est beaucoup plus dépendant des autres, surtout dans un premier temps. C’est souvent une situation difficile à accepter. Grâce au travail psychologique on voit les personnes mieux comprendre la situation de façon personnelle mais également au niveau familial. Cela leur permet de parvenir à un nouvel équilibre qui se révèle profitable pour la personne mais également pour son environnement.
L : Quels sont les enjeux pour la personne en situation de handicap ?
ARG : Pour une personne qui a perdu la vue à l’âge adulte, l’enjeux majeur est de ne plus savoir à quel monde on appartient, d’autant plus que nous sommes dans une société où le visuel prime. Le sujet va intégrer un monde où, sur le plan cognitif, il a tout à développer. Il est parfois compliqué d’intégrer cette nouvelle identité et ce nouveau fonctionnement qui est très éloigné de la personne voyante qu’il était avant. Ces personnes sont souvent amené à utiliser des outils comme la canne blanche qui va accentuer encore plus leur mal-être car cela va rendre encore plus visible le handicap. On voit beaucoup de jeunes adultes se mettre en position de rejet dans un premier temps.
LUMEN : Quel est le rôle du psychologue?
ARG : Le psychologue a un rôle complexe. Il y a deux aspects principaux puisque le psychologue va travailler avec l’équipe pluridisciplinaire qui entoure le déficient visuel pour offrir une meilleure lecture de la psychologie du sujet. En parallèle, il y a, bien évidemment, tout le travail avec la personne. Je suis souvent amenée à rencontrer des personnes adultes qui sont devenues aveugles ou malvoyantes au cours de leur vie. Mon travail est de les accompagner dans cette période de deuil de la “vie d’avant” pour leur permettre de se reconstruire dans cette nouvelle identité.
DEFI DU MIEUX ÊTRE
LUMEN : Relever le défi du mieux être, est-ce finalement d’arriver à repartir sur de nouveaux projets?
Anna R. Galiano : Avant d’arriver à se lancer dans des projets, un gros travail est fait en amont pour apprendre à vivre avec son handicap et rompre l’isolement dans lequel le déficient visuel peut se trouver. La plupart des personnes en situation de déficience visuelle disposent d’aides suffisantes et n’ont pas besoin matériellement de travailler. On s’aperçoit pourtant, et c’est le cas dans l’institut de formation dans lequel je travaille (IFMK DV à Lyon), que la personne qui retrouve un emploi ou démarre une formation, se sent plus légitime dans la société. L’engagement associatif peut également être positif dans le cadre de l’intégration sociale des sujets en situation de handicap visuel.
L : Quel est le rôle de l’entourage?
ARG : L’entourage joue un rôle essentiel. Cela fait partie des premières questions que je pose lors de la rencontre avec la personne déficiente visuelle :”Etes-vous soutenue par votre entourage?”. C’est très important dans la mise en place de ce projet car on s’aperçoit souvent que lorsque ce soutien n’est pas réel, le sujet se retrouve, assez rapidement, dans une situation d’abandon du projet. L’excès de présence de l’entourage peut également être problématique. Comme dans beaucoup de situations de handicap, on peut parfois être confronté, de la part des proches, à une situation de surprotection. Dans ce cas, l’entourage est trop présent dans la vie et les décisions de l’individu. Cela ne favorise pas l’autonomie et le sujet se retrouve souvent en échec. Il est donc essentiel pour les proches de trouver un juste équilibre.
L : Quels conseils donneriez vous?
ARG : Nous sommes plutôt dans une dynamique d’insertion en milieu ordinaire quand cela est possible. Il n’y a pas de modèle à suivre, ni de route toute tracée. Quel que soit son projet, la volonté et l’investissement personnel est indispensable à la réussite. Il faut donc trouver un projet pour lequel on a une grande motivation, que ce projet soit professionnel, dans le monde associatif ou plus personnel.
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